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Saturday, 5 November 2016


Combien de gaz à effet de serre peut-on émettre pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C ?
- "Pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C, il ne faut pas émettre plus de tant de milliards de tonnes de carbone."
- "Compte tenu des émissions à venir, on se dirige vers une augmentation de la température moyenne de x degrés à la fin du siècle."

Vous avez sans doute tous entendu ou lu des affirmations comme celles-ci au cours des dernières semaines. Mais vous êtes-vous demandé d'où viennent ces chiffres et comment ils sont calculés ? Et accessoirement s'ils sont fiables ou même juste cités correctement ? Petit guide...


Les scénarios du GIEC


En matière de changement climatique, la question n'est plus (et de puis longtemps !) de savoir si nos émissions de gaz à effet de serre réchauffent la planète mais de combien et combien nous pouvons émettre avant de dérégler dangereusement le climat.
La plupart des réponses que vous pouvez entendre à cette question s'appuient :
  • D'abord sur le relatif consensus hérité du Sommet de Copenhague qui considère que le réchauffement climatique serait dangereux s'il dépassait +2°C en 2100 par rapport à l'ère pré-industrielle. Ce seuil est optimiste quand on voit le potentiel de déstabilisation qu'a déjà le changement climatique.
  • Ensuite sur les scénarios du GIEC, notamment un qui permet, avec une bonne probabilité, de rester sous le seuil de 2°C.
Ce scénario, RCP 2.6 de son petit nom, se trouve dans le 5e rapport du GIEC. Il est le seul parmi les scénarios développé par le GIEC à rester dans les clous par rapport à l'objectif de la communauté internationale : les 3 autres (RCP4.5, RCP6.0 et RCP8.5) dépassent allégrement les 2°C. RCP signifie Representative Concentration Pathways et le chiffre indique l'augmentation du forçage radiatif, c'est-à-dire de la capacité de l'atmosphère à retenir la chaleur.

prévision de température du GIEC en fonction des émissions de dioxyde de carbone
Evolution de la température moyenne pour les scénarios RCP2.6 et RCP8.5
Chaque scénario réunit une multitude de paramètres, notamment l'évolution des émissions pour chaque  gaz à effet de serre au cours du siècle prochain. Il sont accessible librement en ligne et les chercheurs du monde entier peuvent les utiliser pour faire des projections climatiques avec leurs propres modèles.

Résultat : le scénario RCP2.6 aboutit à une hausse de la température qui se situe avec une probabilité de 90% entre 0.9°C et 2.3°C, la meilleure estimation étant de +1.6°C sur la période 2080-2100 comparée à 1850-1900.
Ces scénarios permettent des simulations très détaillées et surtout comparables d'une équipe de recherche à l'autre, mais ils sont très complexes.


Le "budget carbone"


Pour communiquer des résultats au grand public, le GIEC a proposé une méthode simplifiée : le "budget carbone". Par exemple, pour avoir une probabilité de 66% de rester sous les 2°C, l'humanité dispose d'un budget carbone de 3670 milliards tonnes équivalent-CO2 (ou 1000 milliards de tonnes équivalent-carbone).
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Précisions importantes :
  • Entre le début de la révolution industrielle et 2011, nous avions déjà consommé une grosse moitié de ce budget (environ 1950 GTCO2 sur 3670).
  • Ce budget ne tiens compte que des émissions de dioxyde de carbone, il faut y soustraire l'effet des autres gaz à effet de serre.
  • Ce budget ne tient pas compte de certaines rétroactions positives qui sont encore mal connues (par exemple des rejets de méthane causés par le dégel du permafrost).
Au total, moyennant ces précisions, nous pouvons encore émettre 1000 milliards de tonnes de CO2 entre 2012 et 2100. Au rythme actuel (d'environ 40 milliards de tonnes par an), nous aurions épuisé notre budget carbone dans une vingtaine d'années. Et il va de soi que plus nos émissions commencerons à baisser tard plus le budget restant sera entamé.

On peut aussi calculer les budgets correspondants à d'autres hypothèses, par exemple :
  • Pour avoir une probabilité de 50% de rester sous les 2°C, nous pourrions encore émettre 1300 milliards de tonnes de CO2,
  • Si on on se contente d'une chance sur 3, on passe à 1500 milliards de tonnes.
  • Si on souhaite rester sous les 1.5°C (comme le réclame les pays les plus vulnérables) avec une probabilité de 66%, alors notre budget carbone tombe à 400 milliards de tonnes et sera épuisé dès 2020.

Note : l'utilisation tantôt d'équivalent carbone, tantôt d'équivalent-CO2 est une source infinie de confusions lorsque l'on parle de climat. Elle explique que le système de budget carbone pourtant très simplifié soit régulièrement cité de façon erroné. Le budget carbone global est bien de 1000 milliards de tonnes équivalent-carbone et le budget carbone restant en 2012 après prise en compte des autres gaz à effet de serre de 1000 milliards de tonnes équivalent-CO2.


L'exercice inverse : si j'émets tant de carbone, j'obtiens quelle température ?



Vous avez certainement entendu ces derniers jours, des gens expliquer que compte-tenu des propositions remises par les États (les fameuses INDC), la planète s'achemine vers une réchauffement de tant de degrès (la valeur généralement citée est 2.7°C mais il existe d'autres évaluations).
Ces évaluations sont généralement venues d'ONG ou de think-tank mais pas d'organes scientifiques. Et ils sont sortis quelques jours voire quelques heures seulement après la remise des INDC. Alors comment sont obtenus ces chiffres ?

Ils viennent tout simplement d'outils de simulation développés par des universités et qui permettent de projeter l'évolution du climat en fonction des émissions de gaz à effet de serre. C'est par exemple le cas de MAGGIC qui est téléchargeable gratuitement en ligne.

Publié le 24 novembre 2015 par Thibault Laconde


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Crédit illustration : © Jorge Royan / http://www.royan.com.ar, via Wikimedia Commons

Tuesday, 25 October 2016


Finance et changement climatique : divestment, risque carbone, activisme actionnarial
Vous n'associez pas a priori Standard & Poor's à la lutte contre la changement climatique ?
Vous avez peut-être tort : en avril, l'agence de notation a averti que le changement climatique aurait un impact sur la solvabilité des entreprises - elle avait déjà lancé un avertissement similaire l'année dernière pour les dettes souveraines. A terme, elle pourrait prendre en compte la résilience au changement climatique dans sa méthodologie de notation : Imaginez ce qu'il se passerait si, d'un seul coup, les entreprises qui émettent le plus de gaz à effet de serre ou qui sont mal préparées aux effets du réchauffement voyaient leurs notes baisser...


> Pour une mise à jour après la COP21, n'hésitez pas à télécharger cette études des conséquences économiques et technologiques de l'Accord de Paris




Les financiers de plus en plus sensibles aux risques climatiques


Refuser de placer son argent dans les industries les plus polluantes ou le retirer progressivement (le désinvestissement ou "divestment" en anglais) était jusqu'à assez récemment un comportement militant. Les universités anglo-saxonnes, poussées par leurs étudiants et professeurs, s'y sont illustrées depuis quelques années comme d'autres fonds déjà impliqués dans l'investissement socialement responsable.
Mais depuis le sommet de New York en septembre 2014, c'est l'ensemble de l'industrie financière qui commence à s'intéresser au climat, et le prendre en compte dans les décisions d'investissement est de moins en moins tabou... Dans une étude récente, Novethic a recensé les investisseurs internationaux qui ont pris des engagements en matière de changement climatique. Résultats :

"550 banques, assurances, fondations, etc. gérant plus de 22.000 milliards d'euros se sont déjà engagées pour le climat."




Pourquoi ? Parce que les investisseurs perçoivent désormais des risques réels pour la valeur de leurs portefeuilles :
  1. Risque carbone, c'est-à-dire le risque de voir les entreprises très émettrices en gaz à effet de serre perdrent de la valeur parce que de nouvelles réglementations rendent leurs opérations plus difficiles, voire remettent en cause leur business-model. Les premiers concernés sont les énergéticiens qui détiennent des réserves de pétrole, de charbon ou de gaz : ces actifs ont-ils encore une valeur alors que la communauté internationale s'est engagée à limiter le réchauffement à 2°C, ce qui implique de laisser dans le sol un tiers des réserves de gaz, deux tiers de celles de pétroles et 80% du charbon ?
  2. Risque climat, c'est-à-dire le risque que le changement climatique mette des entreprises en difficulté. C'est par exemple le cas de l'agro-alimentaire : est-il réellement préparé pour faire face à une baisse des rendements agricoles ou à un accès plus difficile à l'eau ?
Les investisseurs sont en train de réaliser que la combinaison de ces deux risques rend les investissements dans certaines entreprises hasardeux. Et cette prise de conscience pourrait avoir un très fort effet de levier : en détournant le capital des entreprises carbo-intensives, elle peut rendre instantanément plus difficile les investissements dans de nouvelles énergies fossiles comme les sables bitumineux ou le gaz de schiste. A l'inverse, les entreprises résilientes au changement climatique ou peu émettrices pourront accéder plus facilement aux fonds.


Et après ? Comment mettre (et garder) le secteur financier sur la voie des 2°C ?


Il est bien entendu trop tôt pour ce réjouir. Cette évolutions pose de nombreuses questions : Comment mesurer l'empreinte carbone d'un portefeuille ? Peut-on décliner dans le domaine de la finance l'objectif des 2°C ? En particulier, comment faire en sorte, non seulement de ne plus investir dans les activités polluantes, mais aussi de financer celles qui permettent la transition comme l'efficacité énergétique ou les énergies renouvelables ?
Une question très concrète par exemple : faut-il réellement désinvestir ? Certes ça rendra la vie des pétroliers plus difficiles mais ça ne les incitera pas vraiment à améliorer leurs pratiques. Ne vaudrait-il pas mieux continuer à investir dans le secteur des énergies fossiles mais seulement chez les "best in class", les entreprises qui font de réels efforts ?
De nombreux travaux sont en cours sur ces sujets, notamment chez le World Ressource Institute qui devrait les publier pendant la Climate Week en mai prochain.

Enfin, et surtout, la finance est une affaire d'anticipation. Si le secteur bouge aujourd'hui, c'est parce qu'il anticipe des réglementation plus sévères. Il ne continuera pas longtemps dans cette voie si la mobilisation de la société civile s’essouffle ou si les gouvernements semblent incapables de limiter réellement les émissions de gaz à effet de serre.
Un changement important est peut-être en train de prendre forme mais il reste fragile... et notamment conditionné à la réussite de la conférence de Paris sur le Climat !

Illustration : By Harald Bischoff (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

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